Etre une ESN et contribuer à la réduction de l’impact environnemental du numérique : telle est la mission que nous nous sommes fixée. A première vue paradoxale, cette mission fait pleinement sens pour nous au point d’intégrer nos statuts et notre raison d’être. Au coeur du métier du numérique, nous sommes idéalement placés pour en mesurer les impacts, contribuer à les réduire et sensibiliser notre écosystème.
L’impact carbone du numérique
Lorsque l’on évoque l’impact environnemental du numérique, la consommation énergétique et l’impact carbone sont souvent les premiers sujets qui viennent à l’esprit.
D’après les données du Shift Project, les émissions de CO2 provenant du numérique sont en forte hausse (+9% d’énergie consommée par an). Elles représentent 4% du total des émissions de GES (gaz à effet de serre) issues des activités humaines dans le monde. Autant que la flotte mondiale de camions et 2 fois plus que le secteur du transport aérien.
Contrairement à une idée reçue, la part imputable aux data-centers (DC) n’est pas la plus importante. Elle ne représente que 15% des émissions de GES du numérique mondial. 19% est imputable aux équipements réseaux.
Le reste, 66% de les émissions de GES du numérique mondial, est imputable à la fabrication et à l’usage des équipements numériques du quotidien : smartphones, ordinateurs, télévisions, tablettes, consoles de jeux, écrans publicitaires, objets connectés.
La prolifération des équipements numériques du quotidien
On dénombre 34 Milliards d’équipements numériques dans le monde (dont 3,5 Milliards de smartphones et 1,5 Milliards d’ordinateurs) et « seulement » quelques centaines de Millions de serveurs dans les data-centers. Cette différence d’ordre de grandeur explique les écarts d’énergie consommée constatés.
Cet écart va en grandissant en raison de la prolifération des équipements numériques du quotidien. Le taux de renouvellement des équipements existants et le nombre de nouveaux objets connectés croissent de façon exponentielle. Dans le même temps, la durée de vie des serveurs industriels dans les data-centers s’allonge. Ils sont moins soumis à l’obsolescence que les équipements numériques du quotidien et moins souvent renouvelés.
La principale cause de la hausse considérable des émissions de CO2 dues au numérique mondial est donc la prolifération des équipements numériques du quotidien qui croit de façon exponentielle.
Rappelons pour conclure sur ce sujet que plus de 60% (jusque 75% selon les études) des émissions CO2 d’un produit numérique durant tout son cycle de vie sont dues à sa seule fabrication (de l’extraction des ressources naturelles, matériaux et métaux rares, à leurs transports, jusqu’à leur assemblage sur les chaînes de production).
Le reste des émissions est dû à son usage, qui pour 80% du temps est dédié au visionnage de vidéos en ligne sur internet (dont 1/4 sont pornographiques).
Mais il y a plus grave…
Les autres impacts environnementaux du numérique
La hausse des émissions carbone n’est malheureusement pas le seul impact environnemental du numérique. Il en existe deux autres. Le premier est lié à l’extraction et au raffinage des matériaux nécessaires à la fabrication des équipements. Le second est dû à la fin de vie du matériel et au traitement des déchets numériques.
Le sac à dos écologique
Un équipement numérique est constitué de nombreux matériaux et métaux (dont certains sont rares et d’autres précieux). L’extraction de ces matériaux de la croute terrestre puis leur affinage sont des procédés industriels très consommateurs d’énergie, d’eau et de produits chimiques (responsables de la pollution des sols). Et la quantité de matériaux nécessaire à la fabrication d’un produit est sans commune mesure avec son poids final.
La fabrication d’un ordinateur de 2kg a nécessité la mobilisation de 800kg de matériaux et de plusieurs milliers de litres d’eau.
C’est ce que l’on appelle le sac à dos écologique ; la quantité disproportionnée de ressources naturelles nécessaires à la fabrication d’un objet. Pour un smartphone, ce sac à dos pèse 200 kg.
La prolifération de la production d’équipements numériques n’a donc pas qu’un impact sur les émissions de CO2 et le réchauffement climatique. Elle a également un impact environnemental catastrophique dans les régions du monde où les matériaux sont extraits : raréfaction des ressources, stress hydrique et pollution des sols.
Les déchets numériques
Enfin, la fin de vie des équipements numériques vient également avec son lot d’impacts environnementaux négatifs.
Seule une faible partie de la matière des terminaux numériques peut être séparée et recyclée. A titre d’exemple, seul 20% de la matière d’un smartphone est recyclable. Tout le reste finit en incinération et en décharge. Ou pire, ils intègrent des circuits illégaux de retraitement afin d’extraire quelques éléments de valeur avant que le reste ne finisse en décharge sauvage. 60% de déchets numériques finissent dans ces circuits illégaux puis en décharge sauvage.
Ce cycle de fin de vie provoque des pollutions de l’air, des sols et des eaux (incinération, décharge sauvage).
Réchauffement climatique, pénurie de ressources, stress hydrique, pollution des sols, de l’air et de l’eau, voilà le bilan sordide des impacts environnementaux du numérique. Il faudrait y ajouter pour être complet les conséquences directes sur le vivant : destruction de la biodiversité, famines, maladies, guerres pour l’eau et les ressources…
Le temps d’agir
Devant ce constat aux apparences d’apocalypse, nous refusons de céder au découragement ou à la résignation. Nous ne sommes qu’au début du grand emballement numérique et il est encore temps de tenter de le maitriser. L’IA, le véhicule autonome, la 5G et plus, la robotisation, tous ces sujets sont des progrès dont on peut encore questionner le sens et raisonner le déploiement.
Vers un usage raisonné du numérique
Comme pour le réchauffement climatique, même si nous n’avons pas toutes les clés en main, nous pouvons agir sur ce qui est à notre portée. Nous avons identifié deux leviers : raisonner les usages numériques et stopper la prolifération des équipements.
Avoir un usage raisonné du numérique s’apprend progressivement, en adoptant un certain nombre de bonnes pratiques (réduire sa consommation vidéo, stocker ses données localement, favoriser la fibre et le wifi plutôt que la 4G…). Pour cela, nous menons des actions de pédagogie et de sensibilisation au sein de notre écosystème. Nous vous avons déjà parlé à plusieurs reprises de la fresque du climat. Nous avons également participé et été formés à l’animation de la fresque du numérique. Un atelier ludique créée par Aurélien Déragne et Yvain Mouneu de sensibilisation à l’impact environnemental du numérique que nous recommandons fortement pour approfondir le sujet. Nous avons également une ligue Aepsilon qui participe aux défis éco-responsables du quotidien de Ma Petite Planete.
Pour lutter contre la prolifération des équipements, il faut s’attaquer aux sources de ce phénomène.
Tout d’abord, refuser les avancées technologiques qui requiert une évolution du matériel. A ce titre, questionner le bien fondé de la 5G est une question inévitable à toute personne qui se prétend un minimum sensible à la question environnementale.
Lutter contre l’obsolescence des équipements
Ensuite, lutter contre l’obsolescence des équipements afin d’en limiter le renouvellement et rallonger leur durée de vie. Il y a trois causes distinctes derrière cette obsolescence.
L’obsolescence psychologique : ce sont les sirènes du marketing du progrès qui nous poussent à renouveler nos équipements et à acquérir les nouvelles versions prétendument plus innovantes. Les chiffres sont éloquents. Un foyer Français possède en moyenne 6 smartphones opérationnels et non utilisés dans ses tiroirs. 88% des Français remplacent leur smartphones alors que l’ancien fonctionne encore.
L’obsolescence programmée : il s’agit de la limitation de la durée vie des équipements sciemment décidée par les constructeurs lors de la conception des produit.
L’obsolescence technique : il s’agit de la réduction de la durée de vie en raison de facteurs techniques, matériels ou logiciels.
L’éco-conception : 3 problèmes, 1 solution
En tant qu’acteur du numérique et dans la pratique de notre métier, nous pouvons agir sur l’obsolescence technique. En effet, les logiciels de services numériques, de plus en plus lourd, sont la principale cause de l’obsolescence des terminaux sur lesquels ils sont installés.
L’éco-conception des services numériques est une solution adaptée qui permet de contribuer à l’allongement de la durée de vie des terminaux. Elle a le mérite d’avoir deux autres vertus. Elle permet de réduire la consommation énergétique des services et donc leur impact carbone. Et en questionnant en amont la finalité des usages, en ramenant les fonctionnalités au strict nécessaire, elle contribue également à un usage raisonnée du numérique.
L’éco-conception des services numériques est donc une solution triplement efficace.
Chez Aepsilon, nous appliquons les bonnes pratiques de l’éco-conception dans toutes les solutions logicielles que nous développons et que nous hébergeons . Et nous formons tous nos consultants à ces bonnes pratiques afin qu’ils les diffusent auprès des équipes de nos clients.
Cet article est le premier d’une série des trois articles que nous consacrons aux impacts environnementaux du numérique. Le prochain article sera consacré à l’éco-conception. nous vous partagerons dans les jours à venir.
En guise d’introduction au sujet, nous vous invitons à consulter notre guide de l’éco-conception Aepsilon.
Sources :
Lean ICT – The Shift Project 2018
Rapport GreenIT.Fr « Empreinte environnemental du numérique mondial » 2019
Rapport ADEME » Modélisation et évaluation des impacts environnementaux des produits de consommation » 2018
La fresque du numérique